mardi 6 avril 2010

HISTOIRE: Bilan et mémoires de la seconde guerre mondiale en France

Livre p. 252 à 261.

INTRO.
Après la débâcle de l’armée française et l’exode des civils face aux armées de l’Allemagne nazie, Pétain signe l’armistice le 22 juin 1940. La France est alors coupée en deux par la ligne de démarcation : au Nord, la zone occupée par les Allemands, au sud la « zone libre » ou Etat Français dirigé par Pétain (secondé par Laval), gouvernement fascisant antirépublicain et antidémocratique qui collabore avec l’Allemagne hitlérienne. Le 11 novembre 1942, les armées allemandes franchissent la ligne de démarcation et occupent dès lors l’ensemble du territoire. Cette période, de 1940 à 1944, est « l’Occupation ».
Pendant ces années se développent des mouvements de résistance. L’un depuis Londres à partir de l’appel du Général De Gaulle, le 18 juin 1940, est la Résistance extérieure ou « France Libre ». Les autres se développent sur le territoire-même de la France, ce sont les maquis ou Résistance intérieure.
La Libération commence le 6 juin1944, avec le débarquement en Normandie, appuyé en août par le débarquement en Provence. Le 25 août 1944, Paris est libéré. Toute la France est libérée au printemps 1945. Les Résistants, FFL et FFI ont, en même temps que les armées alliées, activement contribué à la Libération.
Quelle est la situation de la France au sortir de la guerre ? Pourquoi le traumatisme de la guerre et de l’Occupation est-il durable ? Quels souvenirs ou « quelles mémoires » les Français ont-ils gardés de cette période de leur Histoire ?

I) BILAN EN 1944-1945 : UN PAYS EPUISE PAR LA GUERRE.

A) Un lourd bilan humain :

1) Pertes directes : victimes, invalides…

a) 600 000 morts, surtout des civils à cause des déportations, des bombardements, des combats menés par les civils dans la Résistance…, 800 000 invalides.

b) Des séquelles durables : carences, fragilités physiologiques, mauvais état de santé…dus aux privations dont le manque de nourriture, les restrictions de toutes sortes, les mauvaises conditions de vie durant la guerre et l’Occupation.

2) Conséquences démographiques à long terme de la dénatalité et de la surmortalité des années de guerre:

a) Réduction du nombre d’adultes en âge de travailler : =>* tous vont accomplir un énorme effort de travail pour assurer la reconstruction d’après guerre,
* besoin de main d’œuvre => appel
à l’immigration jusqu’à la fin des années 60 où la génération du baby-boom va commencer à entrer sur le marché du travail.

b) Vieillissement de la population suite à la dénatalité des années de guerre qui s’ajoute à la dénatalité des années 1920 et 1930.

3) Traumatisme moral :

a) Les Français sont divisés : un fossé s’est creusé entre Résistants, opposants à Pétain, mécontents du régime de Vichy etc… et les collaborateurs, partisans de Vichy, ceux qui s’en sont accommodés…
b) La découverte concrète des camps et des réalités de la déportation, le retour des déportés survivants provoquent un choc psychologique traumatisant dans toute la population.

B) Lourd bilan matériel et économique :

1) D’importantes destructions matérielles :

a) Les infrastructures de transport : voies et moyens de communication : routes, chemins de fer, voies ferrées, ponts, gares, quais des ports et trains, navires…

b) Moyens de production : usines, mines, exploitations agricoles, terres cultivables...

c) Bâtiments, habitations, équipements urbains lors des bombardements sur les villes.

2) Ruine de l’économie :

a) Effondrement de la production dû :
* à sa désorganisation pendant la guerre : travailleurs arrêtes ou déportés, partis en Allemagne pour le STO, entrés dans les maquis ou partis à Londres pour résister…
* aux réquisitions, impositions et prélèvements obligatoires opérés par l’Allemagne nazie en France occupée

b) Impossibilité d’un redémarrage rapide à cause du manque de charbon et de capitaux pour investir.

c) Persistance des pénuries jusqu’en 1949 : par ex. des tickets de rationnement pour l’alimentation…

3) Difficultés financières et monétaires :

a) Le Franc est dévalorisé : il a perdu 80 % de sa valeur de 1939.

b) L’inflation est galopante : 38 % en 1945, 60 % en 1947 à cause du déséquilibre persistant entre l’offre et la demande, les prix flambent.

c) Endettement et déficit budgétaire (70 %)

C) Un pays affaibli sur la scène internationale :

1) Les 1ers ébranlements du système colonial touchent la France dès 1945 :

* Ho Chi Minh proclame unilatéralement l’indépendance de l’Indochine en 1945
* A Sétif, en Algérie, 1ères manifestations nationalistes (Messali Hadj) que l’armée française réprime dans le sang, le 8 mai 1945.

2) La France a été absente des grandes conférences interalliées déjà dominées par les deux Grands préparant la victoire et l’après-guerre à cause du gouvernement de Vichy qui est le gouvernement officiel de la France et qui collabore avec l’Allemagne nazie.

3) Cependant, la France est reconnue comme un pays vainqueur, cf. Yalta :

a) grâce à l’insistance de De Gaulle auprès des Alliés, à la « France Libre » et aux FFL qui ont combattu avec les armées alliées pour la Libération

b) grâce aux Résistants de l’intérieur et aux FFI qui ont été des auxiliaires importants des Alliés pour libérer le territoire national (ex. le Sud-Ouest). Jean Moulin parachuté en France en 1942 depuis Londres a coordonné l’action des deux résistances, extérieure et intérieure, jusqu’à son arrestation et sa mort en 1943.

II) LA RESTAURATION DE L’UNITE NATIONALE : AFFIRMATION DE L’AUTORITE DE L’ETAT ET EPURATION.

A) Automne 1944 : la restauration de l’autorité de l’Etat par De Gaulle et le GPRF.

1) Le 25 août 1944, libération de Paris : le GPRF s’installe dans la capitale.

a) Le GPRF :
* créé à Alger en juin 1944, succédant au CFLN (
lui-même créé en juin 1943 après le débarquement allié en Algérie et l’installation de De Gaulle à partir de nov. 1942.
* composé de toutes les tendances politiques et de tous les partis qui contribué à la Résistance : ceux de la France Libre et ceux de la Résistance intérieure qui avaient créé le CNR (
) en 1943 et élaboré un programme de gouvernement (nettement à gauche) pour l’après-guerre.

b) De Gaulle, reconnu par tous, est à la tête du GPRF installé à Paris.

2) Le GPRF affirme son autorité centrale face aux forces locales issues de la résistance intérieure à l’automne 1944 :

a) Les forces locales, « les milices patriotiques » sont dissoutes : ce sont les mouvements armés des maquis qui ont libéré leurs régions par les armes (ex. le Sud-Ouest, Toulouse)…)

b) Des commissaires de la République vont dans les départements : ils montrent la présence d’un Etat central représenté par le GPRF et font accepter son autorité sur l’ensemble du territoire français.

c) De Gaulle lui-même multiplie les voyages en province.

 En octobre 1944, après quelques protestations, communistes en particulier, tous se rallient à l’autorité du pouvoir central incarné par le GPRF et De Gaulle.

B) Automne 1944 : l’épuration « sauvage » spontanée fait place à la justice républicaine officielle.

1) L’épuration spontanée aux 1ers jours de la Libération :

6000 exécutions de collaborateurs ou présumés tels sont réalisées par les maquisards, sans jugement officiel, des femmes ont le crâne rasé publiquement… Des excès sont commis, des erreurs, parfois des vengeances personnelles… Le GPRF rétablit la justice de l’Etat.

2) Mise en place de cours de justice départementales et de la Haute Cour de Justice pour juger les collaborateurs :

Ex. les responsables du régime de Vichy : Pétain, Laval, doc. 5 p. 256, les intellectuels et les dirigeants politiques soutiens et propagandiste des idées fascistes et de la collaboration (R. Brasillach, L.F. Céline…). Tous ceux-là sont beaucoup plus sévèrement jugés et punis que ceux qui ont fait de la collaboration économique.

3) Bilan des jugements, doc. 6 p ; 257 : une épuration plus clémente que dans beaucoup d’autres pays ayant été occupés.

a)100 000 condamnations pour 75 000 acquittements : 7 000 condamnations à mort dont 770 exécutions. Ex. Laval mais Pétain condamné à mort a vu sa peine commuée en détention à perpétuité par De Gaulle (prestige de la guerre de 14-18).
Il y a des condamnations aux travaux forcés, des peines de prison, des privations des droits civils et politiques…

b) Pourquoi cette indulgence ?

De Gaulle veut que s’achève l’affrontement entre deux fractions de la France pour que la nation tout entière se consacre à la reconstruction, doc. 3 p. 256 l’allocution du 25 août à Paris « hormis quelques malheureux traîtres […] tous les fils et toutes les filles de la France doivent marcher vers les buts de la France, la main dans la main ».

III) LES MEMOIRES DE LA 2NDE GUERRE CHEZ LES FRANÇAIS OU « LE PASSE QUI NE PASSE PAS » (H. ROUSSO)

A) Mémoire et Histoire : la différence et le travail des Historiens.

1) La mémoire :

C’est le souvenir totalement subjectif du passé, c'est-à-dire émotionnel, affectif et sentimental et elle en fait la représentation embellie (ou enlaidie) , mythifiée et/ou sacralisée du passé.
La mémoire étant subjective, il y a plusieurs manières de se souvenir et de représenter le passé. Ces représentations sont variables selon les individus, les groupes, les époques.
La mémoire peut être individuelle ou/et collective. Dans ce cas, elle peut être celle d’un groupe ou celle de la société ou de la nation toute entière ; elle est alors fondée sur un statut officiel : commémorations, cérémonies du souvenir, médiatisation, programmes d’enseignement… bref, elle est orientée (pas neutre).

2) L’Histoire est une science (humaine) :

Elle part du constat et de la connaissance objective des faits du passé, elle en fait une analyse réaliste et une explication vraisemblable puis elle en donne un récit problématisé et une réflexion abstraite (c'est-à-dire une organisation rigoureuse des tenants et des aboutissants qui lient les faits entre eux). L’Histoire suit une démarche scientifique : observation, recherche des explications, bilan construit et ordonné des résultats des deux étapes précédentes.
L’Histoire réalise la transformation en pensée réfléchie et abstraite de ce qui a été de l’ordre du vécu. L’Histoire rejoint l’Universel et la part de libération qu’il recèle.

3) Le rôle de l’Histoire et de l’Historien, ici :

Constater et analyser quelles ont été les diverses manières dont les Français se sont représenté la seconde guerre depuis 1945 jusqu’à aujourd’hui, et plus particulièrement la place du génocide juif et de la Résistance.

B) La représentation du génocide : de la non reconnaissance de sa singularité au devoir civique de mémoire.

1) De 1945 aux années 60 : il est inclus dans la déportation et les souffrances de l’Occupation.

=> amalgame et égalité entre tous les types de camps et motifs de déportation cf. « Nuit et brouillard » de A. Resnais et J. Cayrol et chanson de J. Ferrat <= les associations juives affirment d’abord leur appartenance à la nation française et aident à la reconstruction du pays.

2) Tournant dans la décennie 60 : le génocide devient constitutif de l’identité juive.

<= l’arrestation puis le procès et la condamnation à Jérusalem de Eichmann (responsable des questions juives du 3ème Reich) met le génocide dans le quotidien de l’actualité. Les intellectuels relaient les médias ( cf. la philosophe Hannah Arendt). Les Juifs l’intègrent dans leur culture identitaire.
A l’occasion des problèmes israélo-arabes et de la Guerre des Six Jours en 1967 les médias amplifient le phénomène. Tout cela fait que l’opinion publique le différencie et le privilégie par rapport aux autres exterminations nazies.

3) Fin des années 70 : prise systématique de parole des survivants pour témoigner et mémoire posée comme un impératif sociologique : récits dans les médias, interventions dans les écoles… et multiplication des films, livres, émissions télé…On veut, tant qu’il en est temps, recueillir leurs souvenirs avant que ces derniers témoins ne meurent.

4) Aujourd’hui, la mémoire de l’extermination est devenue un devoir civique : journée commémorative depuis 1993, 60ème anniversaire international de la libération d’Auschwitz (on n’a pas célébré le 50ème…)

C) Représentation collective de la Résistance en trois phases :

1) Jusqu’aux années 1970 : les Français, « tous des résistants » !

La résistance est glorifiée et ajoutée aux valeurs traditionnelles de la République française et présentée comme l’attitude de la majorité des Français pendant l’Occupation => commémorations officielles , monuments aux résistants, fête du 8 mai…
Responsables : De Gaulle et les Gaullistes et le PCF « le parti des fusillés » qui fondent et entretiennent leur popularité sur leur participation décisive - et réelle ! - à la résistance. Il faut aussi refaire l’unité nationale.

2) Tournant des années 70 : la majorité a été partisane de Vichy, « les Français, tous des collabos » !

Changement de contexte : les générations du baby boum sont très nombreux et n’ont pas connu la guerre, le gaullisme historique (celui du 18 juin 1940) s’essouffle et le gaullisme contemporain (celui de la présidence de la Vème république) a été contesté en1968… La mémoire juive insiste sur le génocide d’où la France de Vichy n’est pas totalement absente…
Détonateurs : un film « le chagrin et la pitié » de Max Ophuls qui montre un village français pendant l’Occupation + une histoire de Vichy par un historien américain, R. Paxton suivi de travaux français + surtout le Président de la république G. Pompidou gracie P . Touvier, chef de la milice de Lyon et demande aux Français de pardonner.
=> une double culpabilité se développe dans la population : * la majorité des Français a soutenu Pétain et par conséquent a approuvé la collaboration et même y a participé
* on n’a pas assez puni les coupables à la fin de la guerre et on a refusé la vérité sur la vraie nature du gouvernement de Vichy.
=> il faut se réveiller, d’où les procès des années 80 et 90 contre les hauts fonctionnaires de Vichy tels Papon, celle d’anciens chefs de la Gestapo tels Barbie…, les sentiments officiels de « repentance »…

3) Aujourd’hui, une représentation plus équilibrée s’élabore :

=> * la Résistance a été multiple, divisée, a connu des divergences internes : telle, elle est un fait historique avéré.
* le choix pour s’y engager était difficile aux contemporains
* le « non » des Résistants a été d’une grande dignité
La Résistance a été le fait d’une minorité. De même, la collaboration a été le fait d’une minorité. La majorité de la population a subi douloureusement la guerre et a tenté de survivre dans des conditions qui étaient extrêmement difficiles.

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